RÉALITÉ VIRTUELLE

RÉALITÉ VIRTUELLE
RÉALITÉ VIRTUELLE

Réalité virtuelle

La littérature de science-fiction nous a habitués au merveilleux technologique. Elle met en jeu de superbes machines à l’intelligence et aux moyens physiques surhumains, se déplaçant dans les galaxies aussi vite que la lumière. Les esprits supérieurs qui guident ou contrôlent ces machines ne sont aucunement gênés par la distance pour être informés, de manière instantanée, de ce qui se passe à des millions de kilomètres de leur résidence. Ils possèdent même parfois le don d’ubiquité.

Les objets (et leurs propriétés) tels qu’ils sont habituellement représentés dans cette littérature sont irréalisables par les scientifiques parce qu’ils contredisent bien souvent les lois élémentaires de la physique, auxquelles nous ne saurions échapper. Cela n’empêche pas les chercheurs de travailler sur des problèmes mis en exergue dans la science-fiction, tout en gardant les pieds sur terre et en sachant que leurs résultats ne seront que des balbutiements au regard des merveilles décrites. Il en est ainsi en ce qui concerne les vaisseaux spatiaux, l’intelligence artificielle, la vie artificielle, les robots et, plus récemment, de nouvelles méthodes pour communiquer, créer des objets immatériels et se trouver dans un lieu où l’on n’est pas en chair et en os, mais où l’on peut quand même se promener et travailler. Ces nouvelles méthodes s’appuient sur un ensemble de techniques qu’on appelle techniques de réalité virtuelle.

Avec les ordinateurs (particulièrement ceux qu’on appelle ordinateurs graphiques), on peut présenter sur des écrans des images ou des scènes en relief qu’un homme peut donc contempler et même animer ou modifier (en utilisant par exemple une “souris”). La scène créée n’a pas d’existence physique; elle est dite virtuelle.

Classiquement, cette scène ne s’adresse qu’à nos yeux. Elle ne nous envoie que des signaux visuels (des photons), et nous ne comprenons ce qu’elle représente que grâce à la liaison entre nos yeux et notre cerveau.

Dans l’objectif poursuivi en réalité virtuelle, on souhaite que cette scène soit comprise par l’homme, non seulement par l’intermédiaire de sa vision, mais en utilisant toutes les possibilités offertes par son corps, c’est-à-dire par l’ensemble de ses sens. On doit pouvoir toucher la scène, entendre ce qui s’y passe, en sentir les odeurs, en goûter éventuellement les objets. Si l’on suppose cela possible, on ne va plus se contenter de regarder la scène. On va pouvoir être à l’intérieur, en faire partie, la modifier avec ses mains, l’inspecter en s’y promenant ou en tournant la tête, etc. On dira qu’on est immergé dans la scène. La sensation d’immersion est une des toutes premières caractéristiques des systèmes de réalité virtuelle.

L’immersion

Dans le monde réel, la prise de conscience de l’environnement passe par l’excitation de nos sens qui nous permettent d’avoir des échanges avec cet environnement, de communiquer avec lui. Cela signifie que le monde qui nous entoure émet des signaux , et que nos sens sont formés de capteurs qui les détectent et qui envoient l’information au système nerveux. Ce dernier permet de comprendre ou d’interpréter cette information. On a ainsi un effet de sensation . À un instant donné, l’ensemble des sensations ressenties sont interprétées par notre cerveau de telle manière que nous pouvons dire où nous sommes, que nous pouvons décrire ce qui nous entoure, que nous pouvons agir sur ce qui nous entoure. Nous sommes immergés dans un monde réel. En tout cas, nous en sommes convaincus.

Pour rétablir ce même effet avec un monde virtuel créé par ordinateur, il faut que ce monde virtuel émette exactement les mêmes signaux que le monde réel et émette tous les signaux que l’homme détecte habituellement. Cela signifie en fait qu’il faut d’abord connaître les types de signaux qui sont détectés par les capteurs humains. Autrement dit, il faut parfaitement connaître le système sensoriel de l’homme et la manière dont le cerveau interprète les informations sensorielles.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, et malgré les efforts des physiologistes, le système sensoriel n’est pas connu de manière suffisamment précise (et en particulier tout ce qui concerne l’interprétation des données par le cerveau) pour fournir une description exacte des signaux à faire générer par la scène virtuelle. Aussi bien, l’impression d’immersion restera limitée dans l’état actuel de nos connaissances. Cette relative méconnaissance du système sensoriel humain constitue un premier obstacle pour atteindre l’idéal visé en réalité virtuelle.

La seconde difficulté est technologique. Supposons, à titre d’exemple, que nous voulions saisir un objet de la scène virtuelle avec la main et ressentir le poids de l’objet saisi. Le logiciel qui crée le monde virtuel doit affecter une donnée “poids” à l’objet en question et transmettre cette information à une interface qui peut, par exemple, être équipée d’un moteur, lequel, à l’aide d’un système ad hoc, va, au bon moment, au bon endroit et avec la bonne intensité, “appuyer” sur la main de l’opérateur. Pour chaque type de sensation, il faut donc construire une interface et un équipement spécifiques qui traduisent les données fournies par l’ordinateur en signaux physiques convenables s’adressant au système sensoriel de l’homme. De manière symétrique, lorsque l’opérateur veut agir dans la scène virtuelle, une interface adaptée doit traduire ses mouvements en données destinées au logiciel de représentation du monde virtuel, permettant à ce logiciel de faire instantanément les modifications adéquates.

Outre le fait que ces interfaces ne sont pas très faciles à réaliser pour les deux raisons que l’on vient d’évoquer, on conçoit aisément que, dès que la scène virtuelle est un peu “compliquée”, les modifications instantanées demandées, qui doivent suivre le rythme “naturel” des mouvements du corps humain, vont exiger des ordinateurs très rapides et très puissants. En fait, on est très vite confronté à des problèmes de “temps réel”, expression consacrée pour indiquer que la vitesse de calcul d’un ordinateur doit être adaptée à la vitesse d’évolution des systèmes qu’il doit contrôler.

Les deux grandes classes de difficultés que nous venons de schématiser se révèlent si on a l’ambition d’atteindre une sensation parfaite d’immersion dans le monde virtuel. Dans la pratique, on atteint des résultats imparfaits mais cela ne constitue pas un handicap suffisamment grave pour enlever tout intérêt à cette technique, au champ d’applications immense.

Structure générale d’un système de réalité virtuelle

La figure présente le schéma le plus général des différents sous-ensembles qui peuvent composer un système de réalité virtuelle. Chaque application ne fait appel qu’à une partie de ces sous-ensembles.

L’élément central est constitué par ce qu’on appelle le moteur de réalité virtuelle (1). Il s’agit d’un ensemble de logiciels qui a pour mission la remise à jour permanente de la représentation de la scène virtuelle en fonction des indications données par les interfaces, ou outils d’entrée (2). Ce moteur génère aussi les informations permanentes qui vont exciter les sens de l’homme par l’intermédiaire des interfaces ou outils de sortie (3). La construction initiale de la scène virtuelle ainsi que les modifications prévues par l’action des outils d’entrée et de sortie font appel à des modèles et à des bases de données (4).

L’homme (5) agit sur la scène virtuelle grâce aux outils d’entrée et en perçoit le résultat grâce aux outils de sortie.

Bien que les outils d’entrée et de sortie, aussi bien que les logiciels mis en jeu par les sous-ensembles (1) et (4) puissent être d’une très grande variété en fonction des applications visées et des possibilités pratiques, tous les systèmes de réalité virtuelle comportent les parties (1) à (4) et sont bien sûr prévus pour fonctionner en interaction avec l’homme (5).

Des extensions peuvent être envisagées par liaison de cet ensemble (1) à (5) avec des ressources logicielles additionnelles (6) situées à distance et/ou avec d’autres intervenants (7) dotés de leurs propres systèmes d’entrée/sortie (systèmes multiutilisateurs), et/ou avec des systèmes réels (8) qu’on peut donc commander à distance par l’intermédiaire du système de réalité virtuelle.

Les outils d’entrée

Les outils d’entrée doivent permettre à l’homme d’assurer deux types de fonction: la première consiste à se situer dans le monde virtuel; la seconde consiste à agir dans et sur ce monde.

Se situer dépend de ce que l’on a choisi comme caractéristique d’immersion. Dans le mode “immersion totale”, tout le corps humain se trouve dans la scène virtuelle. On a donc besoin, d’une part, de l’équivalent d’un véhicule pour “voyager”, d’autre part, d’un système permettant, en un lieu donné, de regarder autour de soi. Le pilotage du véhicule fictif est classiquement assuré par un joystick , ou manche à balai. Des systèmes de détection de mouvements de la tête (traqueur de tête) utilisant diverses techniques (ultrasons, infrarouges, caméras, etc.) permettent d’asservir le point de vue suivant lequel on contemple la scène à l’orientation de la tête ou à la direction du regard.

Avec le mode “immersion partielle”, on se trouve dans une situation identique à celle qui consiste à regarder par une fenêtre. On n’a plus besoin du véhicule, mais c’est la position de la main qui devient importante et qui est repérée par un traqueur de main. Le capteur le plus utilisé est électromagnétique et se nomme polhémus , du nom de son inventeur.

Lorsque l’opérateur a son corps et sa main positionnés dans le monde virtuel, il doit pouvoir y agir. Il doit en particulier avoir la possibilité de voir son “outil d’intervention” qui, le plus souvent, est une main virtuelle reliée informatiquement à un gant de données (data glove ). On comprend aisément que dans cette liaison on puisse aller du très simple au très sophistiqué.

Les outils de sortie

Le système qu’on peut considérer comme majeur et bien souvent seul présent sur les systèmes de réalité virtuelle a trait aux moyens de visualisation de la scène virtuelle. Pour se sentir présent dans la scène, il faut au minimum recréer l’impression de relief et obtenir une fréquence de balayage d’environ 30 images par seconde. Ce second point n’est lié qu’à la complexité de la scène et à la puissance de l’ordinateur; pour le premier, il existe de nombreuses techniques, dont la plus connue est le casque dit HMD (head mounted display ) équipé d’écrans à cristaux liquides ou d’écrans de télévision miniaturisés.

On peut compléter les sorties visuelles avec des retours auditifs reproduisant un environnement sonore tridimensionnel et des retours haptiques (effort et toucher), qui augmentent la dextérité dans toute manipulation d’objets.

Problèmes de modélisation

La partie centrale d’un système de réalité virtuelle est le moteur qui doit manipuler l’ensemble des modèles constituant le monde virtuel et ses évolutions. Les modèles soulèvent deux catégories de problèmes: ceux de leur construction et ceux de leur exploitation.

Lorsqu’on élabore un modèle, celui-ci doit respecter trois classes de contraintes:

– tout d’abord, la représentativité, ce qui signifie que les objets de la scène que l’on entend construire doivent impérativement présenter un certain nombre de propriétés; ces propriétés se déclinent le plus souvent en propriétés physiques (poids, rugosité de surface, déformations de surface, etc.), en propriétés géométriques (forme, aspect, position, orientation, etc.), en propriétés cinématiques (déplacements, etc.) et en propriétés dynamiques (accélérations, forces, couples, etc.);

– ensuite, le modèle doit tenir compte de l’action que l’on exercera sur ses paramètres, peut-être même sur certaines de ses structures (passage d’un type de modèle à un autre), par actionnement des outils d’entrée;

– enfin, le modèle doit être apte à exciter correctement les outils de sortie.

Si l’on suppose que tout cela est convenablement satisfait, on va ensuite avoir à résoudre le problème de l’exploitation du modèle, son fonctionnement pratique. Et l’ordinateur va souvent se révéler trop lent pour faire évoluer la scène visualisée au rythme des outils d’entrée-sortie souhaité par l’utilisateur. La seconde catégorie de problèmes a donc trait aux astuces, c’est-à-dire aux modifications, restrictions, suppressions, compressions, mises en parallèle d’éléments du modèle, etc., autorisant une vitesse d’exploitation acceptable. Au-delà des astuces, cela impliquera de nombreux compromis en ce qui concerne la qualité du modèle.

Applications

Dans son principe, c’est-à-dire dans l’arrangement général de ses constituants et dans ses fonctionnalités potentielles, un système de réalité virtuelle est un outil généraliste (tout comme un ordinateur). En effet, il permet à un homme d’être virtuellement n’importe où, d’y faire virtuellement n’importe quoi, en collaboration ou non avec d’autres hommes, et en liaison ou non avec d’autres systèmes de réalité virtuelle et d’autres sources d’information. Cela peut donc servir à tout, et il est impossible d’énumérer les champs d’application de manière exhaustive.

Cette première approche doit cependant être tempérée par deux considérations. Tout d’abord, au niveau historique, les spécialistes ont suivi une démarche qu’on peut qualifier d’ascendante. C’est à partir de recherches sur les simulateurs de vol, d’un côté, et sur le cinéma “total”, de l’autre, qu’a pu émerger la notion de système de réalité virtuelle, déconnectée a priori de l’application. Mais, à l’évidence, on n’a jamais construit de système de réalité virtuelle expérimental sans choisir une application dictée par le besoin. À cette démarche ascendante a donc succédé une démarche transversale ou descendante. Les personnes qui ont certains types de besoin se disent: “Ne pourrais-je pas utiliser la réalité virtuelle?” Ils s’aperçoivent alors que l’outil généraliste idéal n’existe pas, et ils sont amenés à faire des adaptations très lourdes des quelques outils commerciaux disponibles pour construire des systèmes dédiés (spécialisés) qui resteront prisonniers de l’application choisie.

Par sa faculté de simulation, la réalité virtuelle touche tous les secteurs et d’innombrables d’expériences sont menées.

Un secteur des plus actifs est celui des applications médicales: cadavre virtuel pour l’enseignement de l’anatomie ou pour l’entraînement au geste chirurgical, assistance aux opérations par téléchirurgie, assistance au diagnostic et à la rééducation, etc.

Mais le secteur des jeux est aussi en pleine expansion avec les “Battle Tech Centers”, où l’on pilote des chars de combat, ou les jeux d’échecs à distance.

Le secteur militaire a été innovateur avec le réseau Simnet et les simulations de champ de bataille où l’on peut mettre en jeu simultanément plusieurs dizaines de milliers d’objets (chars, combattants, avions, etc.). L’espace est un domaine privilégié pour la simulation en réalité virtuelle avec les problèmes d’entraînement en micropesanteur, et la N.A.S.A. a été pionnière avec la réalisation du premier système de réalité virtuelle “moderne” (système VIVED dès 1983).

Bien entendu, les domaines de la création artistique, du multimédia, du télétravail et de l’enseignement donnent lieu à de nombreuses tentatives.

On peut avancer que les systèmes de réalité virtuelle qui autorisent l’accès instantané à toute source d’information stockée et le travail à distance constituent, avec les ordinateurs permettant l’automatisation des tâches logicielles et les robots permettant l’automatisation des tâches physiques, les trois grands outils de base de la société de demain.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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